La légende du Gros Caillou
Connaissez-vous la légende du Gros Caillou de la Croix-Rousse ?
Notre histoire se passe il y a quelque temps, du temps où le pont Morand était encore celui construit par Morand, où les canuts peuplaient la Croix-Rousse, et où Dieu venait jouer quelques tours aux gens pour essayer de les rendre meilleurs. (On nous a dit que depuis, il a arrêté, découragé…)
Un matin d’hiver, Dieu se promenait donc incognito sur la grande rue de la Croix-Rousse, en train de chercher un tour à jouer à quelqu’un pour l’obliger à être meilleur lorsqu’il s’arrêta devant un spectacle qui aurait fait pleurer n’importe qui.
Un huissier était en train d’expluser de chez lui un canut avec sa canuse enceinte et un autre gone de 3 ou 4 ans attaché à ses jupons. La pauvre famille grelottait sur le trottoir, et se demandait en pleurant où elle allait bien pouvoir vivre désormais.
Dieu décida alors de punir l’huissier sans coeur, et pour lui montrer qu’il n’avait rien d’autre qu’un coeur de pierre, il transforma son coeur en un petit caillou. Le caillou tomba de la poitrine de l’homme et roula par terre. Dieu dit alors :
« Tu pousseras ce coeur de pierre sans relâche, jusqu’à ce que tu trouves plus méchant que toi !«
Et soudain, l’huissier visiblement guidé par une force extérieur ne put faire autrement que de pousser son petit caillou devant lui. Au fur et à mesure qu’il avançait, le caillou grossissait.
Il descendit le Boulevard de la Croix-Rousse, la montée des Esses, il avait déjà la taille d’un oeuf de poule. Arrivé au quai de serein, la taille d’un oeuf de cane. Mais l’huissier était confiant. Il avait traversé Croix-Rousse et s’apprêtait à traverser Vaise, il n’y avait là personne de bien méchant, mais il trouverait vite quelqu’un de plus mauvais que lui.
Il eut un peu d’espoir en arrivant proche du Palais de justice. Parmi les avocats, juges et magistrats, faux témoins et vrais coupables, il trouverait forcément… Mais le caillou ne s’arrêtait pas, et il avait désormais la taille d’une grosse pomme.
Il continua sa route, et arrivé à l’évêché il fut pris d’un nouvel élan d’espoir. Depuis que les canuts étaient partis de Saint-George, il n’y avait là plus que des chanoines, abbés, vicaires et curés, mais le caillou continuait de rouler…
En traversant le pont vers Perrache, le caillou était maintenant gros comme un melon de Pierre-Bénite.
Vers la caserne militaire de Perrache, l’huissier fut pris d’un nouvel optimisme. Si il n’y avait pas parmi les sergents généraux et capitaines quelqu’un de plus mauvais que lui, c’était bien un comble ! Mais le caillou roulait et jamais il ne s’arrêtait…
En remontant le long du Rhône, il avait désormais la taille d’une courge de Caluire. Arrivé vers le pont Lafayette, il était encore en train de grossir, et malgré la proximité de la Bourse et de toutes les affaires probablement malsaines qu’il s’y faisaient, il ne s’arrêtait toujours pas.
Au pont Morand, il avait la taille d’une barrique.
En traversant la place Tolozan, l’huissier priait pour enfin trouver. Dans ce quartier, les soyeux qui exploitaient les canuts, les faisaient travailler des heures et des heures pratiquement sans les payer, devaient forcément être plus méchants que lui ! Mais la pierre ne s’arrêtait toujours pas, et au pont de Saint-Clair, elle avait la taille d’un tonneau.
L’huissier se mit alors à gravir la montée Bonafous, en poussant son énorme caillou, suant et transpirant.
Il était de retour à la Croix-Rousse, au début du Boulevard, lorsque le caillou, désormais gros comme le dôme de Saint-Bruno, se mit à tourner sur lui même, et s’arrêta brusquement. L’huissier vit alors passer un régisseur…
C’était à la Croix-Rousse qu’il avait enfin trouvé pire que lui : les régisseurs d’immeuble sont donc encore plus méchants que les huissiers !
Source : Récits et Contes populaires de Lyon, Jacques Vallerant.
Pour les questions techniques au sujet du Gros Caillou, demandez-donc à Wikipédia !
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