🎃 Spécial Toussaint : la morgue flottante ⚰️

Aujourd’hui, c’est la Toussaint, le jour des morts. Certains d’entre nous en profitent pour se rendre au cimetière et fleurir les tombes.

Bien souvent, avant la tombe, il y a la morgue. Et à Lyon, il y en a eu une fameuse. La morgue flottante. C’était au milieu du 19e siècle et nous allons laisser son gardien nous en parler.

“Bonjour, je suis le père Delaigue. C’est moi le gardien du bateau-lavoir qui a été transformé en morgue flottante. Elle est amarrée au quai du Rhône, juste devant l’Hôtel-Dieu. Vous pourriez pensez que c’est pratique pour les morts du grand hôpital, mais pas du tout. L’hôtel-Dieu a sa propre morgue.

Moi je m’occupe des cadavres trouvés dans Lyon qui ne sont pas identifiés, je les expose pour que les lyonnais puissent les reconnaître.

Alors je vais vous faire visiter. Regardez ici à l’intérieur du bateau il y a deux parties. D’un côté, la morgue derrière cette grande vitre. Vous voyez sur les tables, il y a les cadavres allongés, et un filet d’eau froide puisé dans le Rhône coule en continu sur les corps et les chairs à vifs.

Ah ben vous êtes tout blanc… Vous vous sentez pas bien ? C’est l’odeur ? Ah bon ? Ah ben oui c’est vrai que je me suis habituée moi je sens plus rien. On me demande parfois comment c’est possible de vivre dans cette odeur de putréfaction continue, j’avoue que je n’y prête plus attention.

Ah ben regardez juste en face là derrière cette porte c’est mon logement. Je vis ici, avec mon chien. Alors forcément comme je suis là tout le temps, je suis le seul à m’occuper de tous ces macchabées, j’ai développé une certaine expertise. Généralement, du premier coup d’oeil, juste en regardant la couleur morbide de la peau, l’état des chairs, combien de jours les cadavres ont passé dans le Rhône ou la Saône, et depuis combien d’heures on les a sortis.

Vous savez, j’accueille souvent le Dr Lacassagne, grand médecin légiste, avec ses étudiants, il vient faire des autopsies. Mais il me demande souvent mon avis, il sait que sur plein de sujets, j’ai beaucoup plus l’oeil que lui. Alors que j’ai pas fait de grandes études de médecine moi hein !

Bon aujourd’hui c’est calme, il y a pas grand monde, mais desfois, il y a une foule pas croyable qui se presse sur ma passerelle pour assister au spectacle des corps en décomposition. Je me souviens surtout d’une journée ou la foule était bien plus nombreuse que d’habitude. C’était pour l’arrivée de l’inconnu du quai Perrache. Un corps dépecé en plusieurs morceaux et retrouvés en plusieurs endroits du Rhône.
Ce jour là, la morgue a été prise d’assaut, à tel point que le maire a du interdire à l’avenir la réception de cadavres en plusieurs morceaux…”

L’histoire de la morgue termina aussi tristement que bon nombre des cadavres. Un soir de crue, le bateau se détacha du quai et alla se fracasser contre les piles du pont de la Guillotière. Ce jour là, le Père Delaigue était seul avec son chien et un seul corps. Seul le Père Delaigue fut retrouvé.