Marie-Louise Rochebillard đ§”

Samedi 7 novembre 2020
Pendant le confinement, chaque jour une chanson ou une histoire ! Marie-Louise Rochebillard est lyonnaise, presque inconnue aujourd’hui. Et pourtant, elle a fondĂ© les deux premiers syndicats de femmes en France.
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OubliĂ©e. Jâai Ă©tĂ© oubliĂ©. Enfin presque. Pas tout Ă fait.
Une plaque rue Sainte Catherine, le panneau dâune allĂ©e Ă mon nom dans le quartier de la Confluence. Et tous ces gens qui passent Ă cĂŽtĂ©, sans mĂȘme les regarder. MĂȘme les historiens ne retrouvent que quelques traces de mon existence. Il nâĂ©crivent que trĂšs peu sur moi. Alors je mây colle je vous raconte.
Jâai grandi dans une famille bourgeoise, jâai reçu une bonne Ă©ducation. Quand jâai atteint lâĂąge de 16 ans nous avons tout perdu, mon pĂšre a fait faillite et ma famille est tombĂ©e dans la ruine. Brutalement, jâai dĂ» aller travailler. Ce choc de la dĂ©couverte du travail ouvrier mâa amenĂ©e Ă penser les choses autrement.
Personne ne sait ce que mes consoeurs et moi avons fait en 1899. Et si cela ne vous a jamais Ă©tĂ© racontĂ©, je vous le dis. Moi, Marie-Louise Rochebillard, jâai crĂ©Ă© en 1899, les deux premiers syndicats de femmes : lâun des employĂ©es du commerce, lâautre des ouvriĂšres de lâaiguille. Peu aprĂšs un syndicat des ouvriĂšres de la soie.
En ce temps-lĂ , des syndicats, il y en avait dĂ©jĂ . De trĂšs nombreux. RĂ©servĂ©s aux hommes. DĂ©jĂ Ă la rĂ©volte des ovalistes plus de vingt ans auparavant, nous avions compris que nous ne pouvions pas vraiment nous aligner Ă leur revendications. On nâattendait pas les mĂȘmes choses.
Beaucoup dâouvriers nous considĂ©raient mĂȘme comme des ennemies. Les patrons nous embauchaient parfois Ă la place des hommes parce que nous coĂ»tions moins cher. En temps de crise par exemple câĂ©tait monnaie courante. Les hommes disaient quâon volait leur travail. Parfois mĂȘme les femmes Ă©taient embauchĂ©es pendant leurs grĂšves. Ăa cassait toutes leurs revendications, câest vrai. Mais que voulez-vous. Pour certaines, celles qui vivaient seules ou qui devaient assumer seules des enfants, il fallait bien travailler.
Je nâai jamais fait de grand discours, câest peut-ĂȘtre pour ça que je ne suis pas restĂ©e dans vos mĂ©moires ? La politique nâĂ©tait pas mon sujet. Je ne remettais pas en cause les fonctionnements, je savais que nous nâavions pas suffisamment de poids. Je nâai pas affrontĂ© les autoritĂ©s de maniĂšre directe.
Jâai pensĂ© que nous rassembler en syndicats, juste pour nous, les femmes, serait bien. Personne ne sâintĂ©ressait Ă notre condition, il fallait le faire par nous mĂȘme en passant du temps entre travailleuses.
Des temps de dĂ©tente avec des spectacles, des concerts, des chants. Des temps de rĂ©flexion pour nous protĂ©ger des dangers extĂ©rieurs. Des temps de formations professionnelles pour les femmes qui nây avaient que trĂšs rarement accĂšs. Des bibliothĂšques, des cours le dimanche pour les femmes issues de quartiers populaires, des mises en place de mutuelles⊠En bref, nos syndicats avaient pour objectifs de âcontribuer au bien-ĂȘtre moral, matĂ©riel et intellectuelâ des travailleuses.
Nous Ă©tions les premiĂšres Ă mettre cela en place en France. Je voulais pousser dâautres travailleuses Ă se syndiquer, Il a fallu ensuite que je sillonne le pays pour en parler, au dĂ©but du XXe siĂšcle. Je voulais diffuser ce modĂšle rĂ©flĂ©chi et adaptĂ© Ă nos besoins spĂ©cifiques, Ă nous, les travailleuses.
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