Le jeu Ă Lyon đ

Vendredi 13 novembre 2020
Pendant le confinement, chaque jour une chanson ou une histoire ! C’est vendredi 13 ! Vous vous sentez chanceux aujourd’hui ? On vous raconte l’histoire du jeu Ă Lyon.
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Cet Ă©pisode a Ă©tĂ© Ă©crit Ă partir du mĂ©moire de recherche de AgnĂšs Bajard intitulĂ© âLes jeux Ă Lyon au XVIIIe siĂšcle : pratiques, mĂ©tiers, discours.â
Câest vendredi 13, câest un jour de chance, pour les superstitieuses et superstitieux le jour idĂ©al pour jouer au Loto. Mais saviez-vous que les jeux de hasard furent longtemps interdits Ă Lyon ?
Au 18e siĂšcle, les jeux de boules sont souvent interdits. Ce nâĂ©tait pas un jeu de hasard bien sĂ»r mais un jeu dâadresse. Les jeux de boules prennent souvent de la place sur la chaussĂ©e et gĂȘnent la circulation. Il y a toujours un risque quâune boule casse une vitre, brise une lanterne ou assomme un passant. Et le pire, ceux qui jouent aux boules Ă cĂŽtĂ© des lieux de culte : ils dĂ©rangent la messe et osent mĂȘme profĂ©rer des blasphĂšmes pendant la partie.
Une interdiction est trĂšs explicite : âdĂ©fenses sont aussi faites Ă toutes personnes de jouer aux boules, aux quilles, aux palets, ni Ă aucune autre sorte de jeux, sur les places, rues, grands chemins, ou autres voies publiques, en aucun tempsâ
Et puis ces jeux de boule dans la rue peuvent devenir prétexte pour parier et deviennent des jeux de hasard !
Les jeux de billard aussi peuvent vite se transformer en un jeu de hasard. AgnĂšs Bajard rapporte cette affaire : âDans la nuit du 4 au 5 septembre 1774, rue Lafond, environ quarante Ă cinquante personnes sont dĂ©couvertes autour dâun billard. Le procĂšs-verbal rapporte que « deux dâentre-eux, en chemise les manches retroussĂ©es jouoient au billard, et les autres parrioient Ă la partie, gros de lâargent, car dĂšs quâils nous ont apercus, ils ont tous pris lâargent quâils avoient mis pour parrier, dans la bande qui est autour du billard ». â
Mais ce sont surtout les jeux de hasard qui sont réprimés.
Un autre arrĂȘt (je cite) âdĂ©fend Ă toutes sortes de personnes de quelque qualitĂ© et condition quâelles soient, de jouer ni donner Ă jouer dans les maisons et boutiques, mĂȘme aux foires Ă quelque jeu de hazard que ce puisse ĂȘtre, et particuliĂšrement aux dez, et jeux appellez le hoca, la bassette, le pharaon, le lansquenet, la dupeâ puis il prĂ©cise bien car il fallait le prĂ©ciser âsous quelques noms ou formes quâils puissent ĂȘtre dĂ©guisez. â
AgnĂšs Bajard cite un arrĂȘt du Consulat (lâĂ©quivalent de la municipalitĂ©) qui argumente contre les jeux de hasard : ceux-ci provoquent âle dĂ©rangement des fortunes, la ruine des familles, les infidĂ©litĂ©s et les vols domestiques, la dĂ©bauche et les effets du plus affreux dĂ©sespoir nâont Ă©tĂ© que trop souvent les suites de ces jeux pernicieux : la facilitĂ© de leur marche, la promptitude du gain dont ils offrent lâappas trompeur, sont dâautant plus dangereuses, quâelles sont plus capables de sĂ©duire les jeunes gens, et de les faire tomber dans le piĂšge que la cupiditĂ© leur tend, souvent Ă lâaide du libertinage.â
On joue par exemple au pharaon, un des jeux les plus en vogue. AgnĂšs Bajard nous en explique les rĂšgles : le jeu du pharaon âse joue avec des cartes et une banque. En effet, devant le banquier se trouve un tableau divisĂ© en deux cases. Les joueurs y disposent leurs mises. Le banquier tire alors deux cartes et pose la premiĂšre devant la case qui est Ă sa droite et la seconde devant la case de gauche. La rĂšgle est simple : la plus forte des deux cartes dĂ©couvertes dĂ©signe la case des joueurs qui ont gagnĂ©. Le banquier paie alors Ă chacun de ceux qui ont misĂ© sur cette case une somme Ă©gale Ă celle quâils y ont dĂ©posĂ©e. Si les deux cartes sont de la mĂȘme valeur, le banquier ramasse tous les enjeux.â
Les jeux de hasard sont organisĂ©s illĂ©galement soit Ă domicile soit chez des cabaretiers et marchands de vin. Mais câest toute une organisation pour Ă©chapper Ă la police qui veille et surveilleâŠ
AgnĂšs Bajard raconte que â[…] les tenanciers de jeux, dont les pratiques illĂ©gales impliquent dâĂȘtre discrets et de changer rĂ©guliĂšrement dâendroit pour jouer, nâhĂ©sitent pas Ă payer des propriĂ©taires pour utiliser une piĂšce de leur maison ou appartement le temps dâune nuit. […]
Et âplusieurs techniques sont mises en place pour prĂ©venir lâarrivĂ©e de la police et sâenfuir ou dissimuler rapidement les preuves du jeu.â : âengager des comparses chargĂ©s de faire le guet par la fenĂȘtre ou au bas de lâimmeuble […]. Une variante plus discrĂšte du signal par le cri existe. Lorsque la police arrive, un gardien postĂ© en bas prĂ©vient les joueurs en tirant sur une ficelle qui communique directement Ă une sonnette situĂ©e dans la piĂšce oĂč se dĂ©roule le jeu. En plus de cela, certains font fabriquer un systĂšme de doubles portes ou installent des grilles en fer permettant de ralentir lâentrĂ©e de la police.â
Mais le Consulat organise petit Ă petit ses propres jeux de hasard, avec la Loterie qui devient⊠une sorte dâimpĂŽt indolore. Le pĂšre jĂ©suite MĂ©nestrier (le collĂšge des jĂ©suites est lâactuel lycĂ©e AmpĂšre et le passage menant Ă la passerelle du CollĂšge porte son nom), le pĂšre MĂ©nestrier justifiait les loteries si⊠elles avaient des fins charitables, elles Ă©taient alors conformes aux Saintes Ăcritures. Ainsi âde nombreux bĂątiments sont financĂ©s Ă Lyon grĂące aux recettes des loteries charitables. Plusieurs loteries sont organisĂ©es par les recteurs de lâHĂŽtel-Dieu au profit de lâĂ©tablissement.â
Pour une de ces loteries, une affiche vantait un gros lot de 6.000 louis dâor : 50.000 billets furent vendus Ă un louis dâor chacun.
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