Les 24 colonnesđ

Dimanche 29 novembre 2020
Pendant le confinement, chaque jour une chanson ou une histoire ! Aujourd’hui, les 24 colonnes !
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Bonjour, je suis les 24 colonnes. Câest comme cela que les Lyonnais.e.s mâappellent, moi le palais de justice historique de Lyon.
On rend la justice royale ici depuis le 15e siĂšcle, câĂ©tait la maison de Roanne puis le palais de Roanne avant moi, mes ancĂȘtres. On a appelĂ© le lieu ainsi car la maison appartenait au 12e siĂšcle Ă un chanoine, HĂ©raclius de Roanne (un nom qui est tombĂ© en dĂ©suĂ©tude, câest dommage). De succession en succession, la maison finit par ĂȘtre vendue au 14e siĂšcle au roi de France Philippe VI et devient maison royale.
Bah les rois de France voulaient marquer leur prĂ©sence, genre âjây suis jây resteâ : Lyon nâĂ©tait dĂ©tachĂ© du Saint Empire germanique et rattachĂ© au Royaume de France que depuis 1312. Je vous passe les dĂ©tails judiciaires et les imbroglios administratifs, parce Lyon reste sous lâautoritĂ© de lâarchevĂȘque, et lâautoritĂ© du roi mets prĂȘt de deux siĂšcles Ă sâimposer face Ă lâEglise lyonnaise.
Au 16e siÚcle, on restaure un peu la maison de Roanne, mais elle menace toujours, dit-on, « prochaine ruyne et décadence ». En 1622 elle est détruite par un incendie.
On propose alors de dĂ©placer le futur nouveau palais de justice dans un autre quartier, davantage ensoleillĂ©, moins humide et pas coincĂ© entre les vieilles ruelles. Mais les magistrats refusent de bouger de quartier, ils ne partiront jamais ! Ils disent que ce quartier est ânoble par excellence, le seul que pouvaient dĂ©cemment habiter des gens bien nĂ©sâ. Finalement, le palais est reconstruit au mĂȘme endroit, juste Ă temps pour le procĂšs de Cinq-Mars et de François-Auguste de Thou qui y sont condamnĂ©s Ă mort.
A nouveau au 18e siĂšcle, on pense Ă reconstruire le palais. Si vous aviez vu lâĂ©tat des prisons insalubres ! Surtout que celles-ci sont adossĂ©es Ă des habitations privĂ©es : les voisins se plaignent ! Des ambitieux projets sont dessinĂ©s mais le terrain est trop exigu pour un agrandissement. On commence Ă racheter quelques maisons voisines pour me faire de la place⊠mais ça coĂ»te un max de pognon et les autoritĂ©s se contentent de faire construire uniquement la nouvelle prison.
Pendant lâEmpire, il y a Ă nouveau des projets pour me reconstruire et mâagrandir⊠mais les guerres de NapolĂ©on coĂ»tent elles un max de pognon⊠Enfin en 1823 le PrĂ©fet lance un concours. Mon futur papa, lâarchitecte Louis-Pierre Baltard a plein dâidĂ©es pour faire face Ă l’exiguĂŻtĂ© du site : me construire sur un immense pont enjambant la SaĂŽne. Mais vu le coĂ»t annoncĂ©, le ministre tranche : le nouveau palais sera Ă la place de lâancien.
Les travaux durent plus de dix ans, je vous passe les dĂ©tails et lĂ aussi les bisbilles administratives, les problĂšmes techniques affĂ©rents au site en bord de SaĂŽne, les malfaçons, et la ville, le dĂ©partement et mon papa Baltard qui se renvoient la balle sur les dĂ©passements de budget, et je suis inaugurĂ© en 1847. Mais mon papa Baltard ne mâaura jamais vu : il meurt lâannĂ©e qui prĂ©cĂšde !
DĂšs le dĂ©but du 20e siĂšcle, je me rĂ©vĂšle ĂȘtre trop⊠petit ! et il faudra attendre les annĂ©es 1990 pour que le nouveau palais de justice voit le jour Ă la Part-Dieu.
Jâai accueilli quelques procĂšs cĂ©lĂšbres, comme en 1894 celui de Caserio, lâassassin du PrĂ©sident Carnot et en 1987 celui de Klaus Barbie, lâancien chef de la Gestapo Ă Lyon.
Plus joyeux, jâai accueilli sur mes marches le concert de Jean-Michel Jarre pour le pape Jean-Paul II.
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