Un concours pour remplacer le mot « Canut » đ

Jeudi 5 novembre 2020
Pendant le confinement, chaque jour une chanson ou une histoire ! Saviez-vous que le mot « Canut » a failli disparaitre ? Et qu’un concours a Ă©tĂ© lancĂ© pour le remplacer ?
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[Ce texte a été écrit à partir du livre de Ludovic Frobert, Les Canuts ou la démocratie turbulente, paru aux éditions Tallandier]
Les canuts Ă Lyon, câĂ©taient les ouvriers tisseurs de soie.
Le mot canut est attestĂ© dĂšs 1805 mais on ne sait pas trĂšs bien dâoĂč il vientâŠ
On dit quâil pourrait venir de lâexpression âvoici les cannes nuesâ : une canne sans ruban Ă©tait un signe de pauvretĂ©. Ou bien quâil serait dĂ©rivĂ© de la canette. La canette Ă©tait le dĂ©vidoir autour duquel Ă©tait enroulĂ© un fil de soie. La canette Ă©tait placĂ©e dans la navette, la navette un morceau de bois navigant de gauche Ă droite du mĂ©tier Ă tisser⊠mais je mâĂ©gareâŠ
Bref, le mot canut on ne sait pas vraiment dâoĂč il vient, mais câĂ©tait surtout un mot pĂ©joratif, presquâune insulte utilisĂ©e par les nĂ©gociants, les soyeux qui dirigeaient la Fabrique lyonnaise, pour rabaisser les ouvriers tisseurs.
En 1832, le journal ouvrier âLâEcho de la Fabriqueâ lança un grand concours pour remplacer le mot canut. Quelques semaines plus tard il y avait des dizaines de propositions.
tissericien, cotisseur, tissoyer, bombixier, bombitisseur, soierinier, soierineur, soieriniste,
Que choisir ? Un des rĂ©dacteurs du journale lâEcho de la Fabrique, proposa les critĂšres suivants : le nouveau mot devait âsimple, il doit nâĂȘtre composĂ© de peu de syllabes ; euphonique, il doit ĂȘtre agrĂ©able et facile Ă prononcer ; complet, il doit dĂ©signer suffisamment lâouvrier en soie actuel qui tisse alternativement toutes sortes de matiĂšresâ.
On retint alors six propositions : polymithe, pamphilarien, arachnĂ©en, tisseur, tissutier, omnitisseur⊠mais personne nâĂ©tait dâaccord. On crĂ©a alors une commission et on rĂ©ouvrit le concours.
Les dĂ©bats dans le courrier des lecteurs furent dâun haut niveau Ă©tymologique. La question nâĂ©tait toujours pas tranchĂ©e⊠et elle fut finalement abandonnĂ©e. CâĂ©tait entre les deux rĂ©voltes des canuts, entre 1831 et 1834 et peut-ĂȘtre que dâautres combats se rĂ©vĂ©laient plus urgents.
Cependant, certains canuts savaient trÚs bien que la lutte sociale était aussi une lutte des mots.
Voici ce quâon pouvait lire dans un des numĂ©ros du journal lâEcho de la Fabrique, Ă propos des soyeux qui se faisaient appeler les fabricants :
âLes querelles de mots sont loin dâĂȘtre aussi oiseuses que certains le prĂ©tendent, dans un but quâil est facile de dĂ©voiler. [âŠ] Nous persistons Ă dire que le fabricant est celui qui fabrique : or, le nĂ©gociant ne fabrique rien, il fait fabriquer, il invente, il dispose, etc. ; câest par consĂ©quent un industriel dans lâacceptation la plus Ă©tendue et la plus honorable. Loin de nous lâidĂ©e de ravaler les marchands au-dessous des ouvriers, mais nous ne voulons pas quâĂ lâaide de lâusurpation dâune qualitĂ© qui nâest pas la leur, ils empiĂštent sur les droits des ouvriers qui sont les seuls et vĂ©ritables fabricantsâ.
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