La révolte des ovalistes ✊

Vendredi 6 novembre 2020
Pendant le confinement, chaque jour une chanson ou une histoire ! À Lyon, on entend souvent parler des révoltes des Canuts, les travailleurs de la soie. Mais on parle beaucoup moins la révolte des Ovalistes, les travailleuses de la soie.
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Lyon 1869. Rive Gauche du Rhône. Un groupe de femmes discute. Elles sont dames ou demoiselles. L’une d’elle monte le ton.
A toutes les dames et demoiselles présentes : rejoignez-nous ! Nous sommes toutes des ouvrières ovalistes ! Louise et Marie, là-bas, viennent de la campagne, elles ont 14 ans et 17 ans. Elles sont là pour constituer leurs dots. Françoise tu as laissé tes enfants en Auvergne, le temps de ramener un peu d’argent à la maison. Tu ne t’en sors plus depuis le décès de ton mari. Nous avons besoin de cet argent. Nous devons être payées davantage.
Moi, Philomène Rozan, comme vous, toute la journée durant je prépare la soie pour qu’elle puisse être tissée. Nous ne sommes pas assez payées. À ce rythme là, Louise et Marie auront constitué une dot suffisante à leurs 30 ans !
Nous soutenons les mouvements des tisseurs de soie, des canuts. Pendant les grèves de 1831 et 1834, nous étions discrètes, mais là, à leurs côtés. Aujourd’hui nos combats ne peuvent plus se rejoindre. Nous sommes moins payés qu’eux et nos journées doivent nous permettre de nous occuper de nos familles, de nos foyers, de nos enfants.
Alors comme les hommes, faisons grève. Napoléon III nous en a donné officiellement le droit il y a 5 ans alors retroussons nos manches. Levons-nous, toutes, allons dans les cafés. Mettons nos habits du dimanche et envahissons les quartiers bourgeois. Allons nous balader au parc de la Tête d’Or. Nous aussi nous avons le droit de chanter et de rire dans la rue.
Nous ne sommes pas des hommes. Nous n’avons pas de formation. Aucune de nous n’est qualifiée. Mais certaines ont bel et bien des familles à nourrir au même titre que les hommes.
Il y a quelques jours, début juin, nous étions 250 à avoir signé la pétition. Nous demandions une meilleure paye : 200 francs par jour et une durée de la journée de travail réduite à 11h.
Les patrons ont besoin de nous et de notre force de travail. Notre travail est réalisé presque uniquement par des femmes, alors écrivons au préfet et demandons-lui de reconsidérer la situation.
Qui se lève avec moi ? Allons-y ! Qui souhaite me suivre ?
[Dans l’assemblée, plusieurs se levèrent. Elles ne furent pas moins de 2000 à arrêter de travailler. Philomène Rozan mènera la révolte des ovalistes. Aujourd’hui sans âge et sans visage, nous connaissons pourtant son nom. Elle fut appelée par Karl Marx au congrès de l’Internationale à Bâle le 29 juillet. Il n’y alla pas, la grève avait cessé. Suite à cette révolte et à la lettre faites au préfet, elles n’obtinrent pas de hausse du salaire, mais une diminution du temps de travail. Quelques temps plus tard, le premier syndicat féminin chrétien de France naissait à Lyon, mais ceci est une autre histoire que nous vous raconterons demain, épisode 9 saison 2].
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