La catastrophe du pont du RhĂŽne đ
Dimanche 26 avril 2020
Pendant le confinement, chaque jour une chanson ou une histoire ! Aujourd’hui, la catastrophe du pont du RhĂŽne.
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Madame de Servient nĂ©e Catherine Mazenot Ă©tait une bourgeoise lyonnaise du 18e siĂšcle et riche propriĂ©taire. Un jour dâautomne 1711 elle avait un peu trainĂ© Ă faire son bagage pour les quelques jours quâelle prĂ©voyait de passer sur ses terres Ă la ferme de la Part-Dieu. Elle partit donc en derniĂšre minute et entra dans son carrosse qui passa – in extremis – juste avant la fermeture des portes de la ville. Elle avait oubliĂ© que la vogue de Bron (fĂȘte foraine) avait commencĂ© ce mĂȘme jour. Ce genre dâoccupations populaires ne la concernait habituellement pas.
Son carrosse passa la porte au milieu du pont de la GuillotiĂšre quand elle vit en face dâelle des centaines, peut-ĂȘtre des milliers de gens du peuple se ruer vers elle. Ils revenaient en trombe de la vogue. EnjouĂ©s par la fĂȘte et lâalcool, aucun nâavait pas vue lâheure passer. Or, pour rien au monde ils nâauraient voulu rester Ă lâextĂ©rieur de la ville pour la nuit.
Madame de Servient, trĂšs pieuse sâen remit Ă Dieu et pria le seigneur pour que le peuple se raisonne et ralentisse. Mais sans pitiĂ© tous se ruĂšrent vers la porte, renversant le carrosse sur leur passage. Les roues et les chevaux en travers du passage bloquaient la circulation mais lâagitation de la foule nâĂ©tait pas maĂźtrisable. MalgrĂ© les priĂšres incessantes de Madame de Servient, la foule continuait Ă se bousculer Ă se marcher dessus. Nombre furent Ă©crasĂ©s dâautres furent propulsĂ©es par-delĂ la balustrade de l’Ă©troit pont, avalĂ©s par les eaux tumultueuses. Madame de Servient coincĂ©e dans son carrosse fĂ»t insultĂ©e : âAlors Charogne, viens-tu goĂ»ter la canaille ?â mais elle pardonna vite dans sa grande piĂ©tĂ© la rĂ©action de cet homme sans le sou.
Ce jour-lĂ Madame de Servient rentra chez elle traumatisĂ©e. Elle pleura chaque jour les 241 victimes de ce triste jour. Le remord dâavoir mis en danger tous ses pauvres gens Ă©tait insoutenable et dans sa grande bontĂ© elle dĂ©cida de lĂ©guer lâintĂ©gralitĂ© de ses terres aux pauvres, câest ce quâelle appela sa âpart de Dieuâ.
Extrait du journal intime de Mme de Servient, plus de 10 ans plus tard.
Cher journal,
Ă toi seul je peux raconter mon plan sans peur dâĂȘtre jugĂ©e. Tu te souviens de lâaccident vĂ©cu sur le pont de la GuillotiĂšre. Jâentends aujourdâhui encore raisonner la voix ce gueux qui mâinsulte. Et cela me hĂ©risse.
Depuis le dĂ©cĂšs de mon mari je me pose la question de mon hĂ©ritage puisque je nâai pas dâenfant. Je hais ma belle-famille et je voudrais que rien, absolument rien, ne leur revienne. Jâai trouvĂ© comment faire. Je vais donner lâintĂ©gralitĂ© de mes terres aux pauvres. Non pas que je les tienne particuliĂšrement haut dans mon coeur mais ainsi je ne donne RIEN Ă mon beau-pĂšre et en plus je vais nĂ©gocier dâautres petites choses avec les autoritĂ©s :
- Une rente viagĂšre de 6000 livres par mois
- 600 messes pour le salut de mon Ăąme
- La prise en charge totale de mon enterrement par les Hospice.
- Et jâexigerais que les cabarets soient interdit sur les terres que je lĂšgue pour que ces ivrognes de pauvre ne soient plus insultants comme ils lâont Ă©tĂ© ce jour de lâannĂ©e 1711.
Ainsi les lyonnais se souviendront de moi comme une femme charitable, mon Ăąme reposera en paix et peut-ĂȘtre laisserais-je mon empreinte Ă Lyon. Peut-ĂȘtre quâun jour des rues seront nommĂ©es Part-Dieu, Catherine Mazenot ou Catherine de Servient ! Ce serait une grande fiertĂ© !
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